Easy et Maintenance … la série de la rentrée !

le-moment-present-mediterQuelles pourraient être les caratéristique des cliniques dites  « Bas-Seuil » si ce ne sont les déclinaisons d’une posture générale consistant à privilégier la rencontre, ici et maintenant, dans un espace suffisament hospitalier, entre une personne nécéssiteuse-en besoin(s)-demandeuse, voire demanderesse, dans l’immédiateté de sa souffrance, et un soignant-aidant d’accès facile à ne pas confondre avec un théra-pute de bas-étage ?

La rencontre, ici et maintenant,  oui-mais, et comment ?

Pour ceux qui prendraient en compte la non-négligeable valeur des conjonctions de coordination, une brève analyse du oui-mais nous invite à réexplorer l’ancienne et pourtant très intéressante Triangleproposition que lançait Karpmann, à la suite d’Eric Berne, le père Fond. de l’AT ( analyse transactionnelle ) à propos de ce triangle interactif dramatique dans lequel le duo patient-soignant (toxe-docteur) risque à tous moments de s’ abîmer, passager comme véhicule; pour rappel, ce tiangle interactionnel rend assez bien compte du piège en lequel le patient et le thérapeute tombent lorsqu’ils se prennent à attendre de l’autre des résultats  « sans véritable accord au plus profond de l’implicite ». « Je veux m’en sortir, dit le premier, pouvez-vous m’aider ? » Le second lui répond, « mais oui, évidemment, je suis là pour ça, service ! etc … ».

Ils sont alliés et partent en guerre à la drogue, de conserve, et à toute fin utile . Mais peut-être qu’au fond, ils se disent – aussi – « Je veux seulement du produit pour être plus confort dans ma conso et moins mal dans ce monde de fous, méchants, hostiles ! à quoi il lui sera répondu « je vais vous aider, malgré vous, et coûte que coûte, voire à grands coups d’affectif, à vous  guérir de cette addiction et à reprendre place dans la grande et belle cité des autonomes et autres normaux statistiques … » Le sauveteur se fait petit à petit persécuteur, en attendant désormais du patient, dès lors sa victime consentente, pour son bien à lui, selon le persécuteur, et en réalité pour le pire, selon la désormais victime, un résultat obligé.

De « victime » de la drogue il devient désormais « victime » de la mode socio-sanitaire.

Et comme de bien endtendu, dans cette dynamique, les rôles peuvent s’inverser, le patient  exigeant de plus en plus d’aide, de soin, de soutien et multipliant les symptômes pour pousser le sauveteur-persécuteur, de plus en plus par lui pressé,  à sortir de son rôle neutre et bienveillant et à escalader le mur aux parois de glace, sans pic, de la falaise, que dis-je du précipice, du ravin … qui les sépare tant et plus.

On est pas loin du jeu du Schlemiel ( Des jeux et des hommes, E. Berne, 1964 ) en moins drôle, en moins mondain, en moins horizontal, en plus hard, en plus extrême SM.

et comment ?  et comment déployer la clinique BS ?

La réponse à cette question  est « tout un programme« , un dispositif, une véritable organisation ( on ne peut pratiquer longtemps le Bas-Seuil en solo ), car le « bas-seul » est casse-cou à deux titres au moins : il nécessite non seulement une pluridisciplanité concentrée en un seul homme ou même une seule femme ( accueil du patient en tous ses états d’errance physique et psychique, aide sociale pratique, accompagnement, démarches écrites, contacts divers avec services et professionnels nombreux et fréquents, soutien psychologique, traitements et contention psychiatriques, petite chirurgie et grande écoute, prévention sanitaire, etc … ) et, surtout, une disponibilité horaire et posturale qui ne peut exister quà oublier qu’un cadre doit être créé/trouvé en respect des besoins et des capacités de tous les protagonistes de la relation d’aide, donc du thérapeute solo, en ce cas de figure casse gueule, contraint d’être à tous moments un  « mégapraticien intemporel ».

L’hospitalité inconditionnelle, aujourd’hui, en Occident à tous le moins,  ne peut être assurée par un seul, mais réclame une structure groupée :

  • autorisant un accès « toujours visible » dans la nuit noire des interstices de nos cités « sur-exposées »,
  • en mesure de répondre à toute demande, particulièrement aux demandes/besoins complexes, composites, ambiguës, mélangées, mixées
    • entre
      • les souffrances aiguës des corps malmenés par l’extrême drogue,
      • la recherche militante d’un hébergement, et en urgence s’il vous plaît, ou non,
      • et enfin, par exemple, et parfois en simultané, une approche contenante et incisive d’un syndrome psychotique, agitato e sempre troppo !

L’hospitalité n’est plus ce qu’elle était, mon bon Monsieur, l’accueil est devenu tellement conditionné, ça ne manque pas d’air, que c’est par le biais d’une co-laboration, que dis-je, une  trans-laboration des professions en une offre de services articulée et poreuse, sans surspécialisation, qu’elle peut percoler vers un bénéficiaire cumulard de première classe…

Une des forme extrême du BS est assurément l’aller-vers ( Outreach ) qui prend très sportivement la forme des maraudes vespérales d’un SAMUsocialClub, des errances thérapeutiques des tavailleurs de rue plus ou moins spécialisés, panseurs de plaies pédestres et ambullants ( Infirmiers de rue ) ou mobilhomes de Medicos Del Mundo, l’aller-vers qui rencontre les besoins des plus silencieux, des mieux cachés, des disparus  quand ceux -ci sont devenus im- ou pauci-mobiles, auto-exclus du soin de soi, et quand il convient alors de les approcher, un à un, ou en petit groupe, au plus près de leur mi-lieu mi-non-lieu de vie.

La mobilité générale ( en temps de guerre à l’exclusion ) est presque indispensable au BS, que l’intervenant ubiquitaire  tente de « rabattre » le pan de la couverture sociale  et sanitaire sur ceux qui ne désirent pas encore ou plus se rendre, s’expliquer, se rendre compte ou qu’elle accompagne celles – z – et – ceux que les digues de sécurité ( à double sens ) qui protège des/les côtes continentales auront recueillies ( les Naufragés ) vers des havres plus paisibles …

Et qui dit (im-)mobilité dans la rencontre, implique la pratique de l’embrayage qui, chacun le suppute, autorise que deux disques de taille et de vitesse différente puissent se rencontrer sans que la dynamique cale sèchement !

L’approche BS que je connais, que je pratique, que je défends chaque jour un peu plus ( en effet, le BS ne s’impose pas au soignant, au docteur, a fortiori au « thérapeute » ) m’a été montrée et apprise, sur le tas de dispositifs alternatifs aux courantx continuement  et conservativement majoritaires :

  • durant mes classes de psychiatrie dans le Centre de Crise fondé, en 1983, sous la dynamique de la célèbre antipsychiatresse et antiprohibitionniste Micheline ROELANDT,
  • dès que sorti des couches de la Licence Spéciale, et dûment agréé, dans la Maison Médicale de Forest des Michel Roland, Jacques Morel et consorts, à la garde et au dossier unique partagés
  • à St Pierre, la léproserie des bourgeois de Brossela devenue l’hôpital des pauvres, sur la pointe du coeur de la capitale de l’Europe, service public,

S’il nest pas fondamentalement interdit aux professionnels du bas-seuil de posséder quelque ligne de « conduite », quelque expérience formante ( et lentilles déformantes ), quelqu’expertise, quelque connaissance des complémentarités entre « offres de services » et « besoins/demandes », l’ambition de ceux-ci dans leur rencontre avec le bénéficiaire ne sera pas fonction d’un idéal « normé » ( guérison, insertion, intégration, réhabilitation, etc … ) mais bien de ce qu’il y aura eu moyen d’établir comme plus petit commun objectif ( PPCO ) à court terme, à courte vue, en court métrage, la somme des pas de la marelle  étant égale à la totalité du chemin.

C’est donc une succession de micro-soins, de micro-points, de micro-circuits  qui vont être tissés, de près en près, en une trame personnelle,  idéalement régulière, mais souvent boulochée,  et ce par un assemblage des mailles tissées/choisies par le bénéficiaire dûment accompagné, sur base de la carte non territoriale qui lui aura été présentée le pro du soin global.

En fin de ce premier épisode, nous pouvons déclarer que la clinique du Bas-Seuil  pourrait bien être comparée à une offre étoilée, à  petits plats, prudence,  « fast foot » mais sans saut d’obstacle,  pour une lente restauration,  en commençant par un long apéritif préliminaire centré sur l’ici et maintenant, en mode easy, et, en passant par des entrées en de nombreuses matières, entre autres celle du « Bon Usage » des drogues, jusqu’à parvenir, facultativement au plat de résistance, au moment opportun,  peut-être thérapeutique,  certainement sur mesure, des changements de régime vers un équilibre nouveau, durable et développé, voire, s’il échet, jusqu’à connaître enfin le temps  des cerises sur le gâteau, la sortie de la ( l’extrême) drogue,  de surcroît !!

 

 

Fin du premier épisode de la première saison