La Caricole, fierté du folklore bruxellois

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Ce lundi matin, j’accompagnais mon ami et néanmoins confrère, Michel Roland, en une mission d’ « expertise  » médico-psychologique au bénéfice d’un jeune homme résident depuis queqlues jours à peine au Centre 127 fermé dit 127, à Steenokerzeel, aux alentours de Bruxelles – triple capitale. Il fait froid et brumeux lorsque la voiture de Michel se gare le long de la cage grillagée qui entoure le 127, à 200 mètres à peine de la célèbre « Caricole 127 bis », inauguré par Maggie DeBlock en 2012,  oui, oui, celle-là même qui espère aujourd’hui assainir le budget de la Santé en lui assainant coupes et coups de jarnac (assainir en assainant ), et qui alors exprimait sa fierté  d’avoir contribué à l’érection d’un  » … Centre  … destiné à maintenir humainement les étrangers afin de les rapatrier au plus vite dans leur pays d’origine ou de leur octroyer l’accès au territoire lorsque la réglementation le permet, ….. Centre destiné à rencontrer  l' »urgence » de remplacer le centre de transit 127, et ce en créant autant que possible dans le bâtiment un climat de sécurité et de convivialité, ainsi qu’une certaine liberté de mouvement ». »

A moins d’un km, au bout de la route, un tarmac de notre « nationale » aéroport  sur lequel s’élance un lowcost de Ryanair, lourd de voyageurs, comme une avant-goût de ce qui arrive à tous ceux à qui nous refusons l’accueil solidaire, un aller simple sans le moindre espoir de retour …

C’est donc au 127 que nous nous rendons pour y « examiner » un jeune somalien de 24 ans réputé troublé du comportement et récemment transféré de Vottem, pour ces raisons psychiatriques, semble-t-il, nous dit-on, lit-on dans son dossier. L’entrée du Centre est un-somalien-a-paris2organisé de façon analogue à celle d’une prison et le cadre austère, sécure, presque aseptisé, serait presque hospitalier si n’était la présence de barreaux aux fenêtres, de grillages à quelques mètres seulement, de l’étrange maison d’arrêt à la lisière de ce matin de ciel plombé.

Et puis encore, je vous passe le détail des multiples signes de la privation de liberté pour qui n’a comme tort que d’être né de travers, car pas ici et maintenant.

Cet homme jeune encore et qui a déjà tant vécu, mais pour combien de temps, n’aura pas demandé aujourd’hui à nous voir mais il pense, oui Monsieur Francken, il pense aussi, comme vous, enfin non, j’espère, pas comme vous, il pense qu’il n’y a rien à perdre à accepter de raconter son histoire à nous les bien-nés, pour tenter encore une fois de sauver sa belle peau d’ébène.

Et au travers du  » jeune  » Abdraze,  nous écoutons la Xième histoire de l’homme chassé par les guerres, notament celle que l’occident a procuré à  Al-Shabbaab ( en arabe : الشباب, qui signifierait  « jeunesse ») et qui, crime de lèse humanité, a la bizarre idée de vouloir échapper au  funeste destin de sa communauté dévastée tous les jours un peu plus; c’est l’histoire d’un « perfide opposant » à la mort qui s ‘est décidé à tout quitter pour fuir la corne somalienne vers une Libye mafieuse, championne du rackett et de la traite humaine, Lybie qui a plus d’un tour de passe – passe à prix d’or dans son sac de noeud coulant, pour refouler à la mer, en de frêles raffiots incertains, tous les insoumis  de toute l’Afrique  vers les côtes qui de la longue botte, qui de la petite Lampeduse, qui encore des alentours de Syracuse, en grand danger de noyade collective faut-il ajouter.campdadaab

Et nous entendons, sans pouvoir prendre vraiment  le temps de l’entendre, et lui de le dire, les mots de tous ces hommes, ces femmes, ces enfant qui aimeraient tant pouvoir nous dire merci, en toutes nos langues communautaires, pour notre grande bonté et nos belles terres d’accueil, à nous tous lointains, très lointains descendants des révolutionnaires fraternels et égalitaires; ils aimeraient tant pouvoir remercier les humains, trop humains, de les avoir enfin reconnus et accueillis en leur altérité; mais nous faisons partie aussi de ces hommes centripètes, planqués derrière leurs murs sans tain, qui les rejetons, les parquons, les relèguons, les excluons, les faisons lanterner rouge, les assignons à indignes résidence, les expulsons, les jouons au ping-pong, les confondons, les combattons, et même si, de toute la Gaule,nous sommes le peuple le plus brave, les répudions bravement pour protéger nos conforts pourtant de plus en plus précaires ( c’est la guerre éclair des précaires, qui se joue ) …

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Histoire d’un homme qui ne comprend pas pourquoi nos dires d’hospitalité, nos discours de civilisation, le sens de nos mots de paix, de nos actes politiques conjugent à ce point les contradictions et les faux-semblants et ne sont in fine que de façade.

Une fois convaincus que cet homme, jeune et potentiel, est en « normale » santé mentale compte tenu des déterminants traumato-sociaux de sa biographie, et que ces troubles sont cohérents d’avec un psychisme presque parfaitement adapté à la souffrance réitérée mais encore aux abois, il nous reste alors à l’abandonner :

  • à ce monde-sans-homme par « nos guerres lointaines » à lui imposé,
  • à ce ground zero humanitaire,
  • à ce nul départ-ailleurs-mais-surtout-pas-ici, à cette zone qui tamponne la plaie béante et bondée jusqu’à la nausée (cette plaie par laquelle la nausée abonde) sans jamais la guérir et que nul « bon état » ne daigne suturer,
  • à ce purgatoire qui semble dédié à montrer au trois-quarts du monde qu’il est coupable de ne faire partie du bon quart et que son destin  est de passer un mauvais quart de vie, un quart de malheur.

Et voilà, clic-clac, le centre se referme et nous repassons le portique sécuritaire, inutile en ce sens pour regagner la vraie vie,  armés jusqu’aux oreilles, de nos mobiles et autres libertés d’expression.  Notre auto se joue des circulations  et par la route enfin dégagée, nous rentrons en la ville tempérée, où les malheurs ont la délicatesse de se faire discrets, et où les braves ouvrières  que nous sommes peuvent s’agiter dans l’illusion feutrée de règner sur leur destin.

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Entre-temps, ils sont des millions aux portes de l’Europe, laquelle ne cesse de repousser ses frontières et sommer grecs et turcs, à coups de milliards d’€, de garder les réfugiés loin, loin, loin, au prétexte d’une lutte contre les terrorismes, sans conscience de ce que l’Europe vertueuse entretient largement les « haines de l’Occident » ( lisez, relisez Zigler, please … ).

 

Trump, Fillon, Le Pen, gagnent les démocraties molles d’Occident pendant que le bruit des bottes retentit à l’Est, sous la houlette des Poutines, des  fils d’Abdelazziz  (Al Saoud) et autres Erdogan, pour ne parler que de ceux qui occupent les espaces médiatiques …

Et enfin, oui, merde-zut quoi, que reste -t-il de nos amours, quand le Commandant Fidel nous quitte en Adidas, livrant sa dictature révolutionnaire aux diktats néo-libéraux ?

S’il est loin le temps des utopies … il nous reste l’espoir de tous les matins du monde

 

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Que je devienne un jour un vieux singe ridé, que le ciel de Cuba se brise comme verre, je sais que l’on peut vivre ici pour une idée mais ceci est une autre affaire !

 

(Cuba Si ! –  Jean Ferrat  – 1988)

Les drogues ne sont pas la ( seule ) cause de l’addiction, on le savait déjà …

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… mais aujourd’hui, on devrait plutôt dire que l’addiction à une drogue est très (très) largement dépendante ( trop drôle, l’addiction est dépendante !! )  du contexte et de l’état affectivo-social de celui qui en consomme ( cet état pouvant être variable dans le temps pour la même personne, mais aussi permanent d’où une vulnérabilité majorée, mais encore amendé par moult méthodes, en ce compris, la prescription de drogues au sens large du terme * )   !!!

La drogue ne deviendrait ainsi véritablement dangereuse que lorsque l’état affectivo-social d’un sujet ne lui permet pas d’affronter ( de dealer avec, de s’adapter à, de surmonter … ) un contexte de souffrance ou de crise psychique sans l’utilisation de la sudite drogue et pour autant que celle-ci diminue de façon sensible cette souffrance ou cette crise, par le biais de ses effets spécifiques …

Regardez-écoutez-lisez cette vidéo et, peut-être, votre façon d’envisager l’addiction en sera-t’elle ( radicalement ) transformée !!

 

* La méthadone que nous substituons aux opiacés remplit admirablement cette fonction « thérapeutique « , puisque, la plupart du temps, elle permet de remplacer chez le sujet addict, une addiction à l’héroïne, responsable de ce craving si puissant, si irrépressible  ( et de son corrollaire, sous l’influence de la belle brune, qui fait dire à son thermostat sous-hypothalamique :  » Tout va bien même quand tout va mal !  » ** ), de remplacer le craving  par une dépendance tout à fait apprivoisée d’un produit contrôlé en terme de qualité et de quantité.

** Jean-Pol Tassin dans une très belle conférence que je vous conseille de regarder ce soir, au coin du feu, un bon verre d’Islay à la main …