Se faire une idée « objective » des dangers de la consommation d’une drogue comme le cannabis semble essentielle pour conduire une approche intégrée d’une politique qui vise, autant que possible, c’est à dire avec raison et efficacité, à limiter les dommages liés à un usage devenu presque aussi courant que l’alcool ou que la cigarette.
Les médecins et les psychiatres ne sont pas toujours les mieux placés pour apprécier la dangerosité d’un comportement dans la mesure où ils n’ont à s’occuper que des situations « problématiques », extrêmes, et ce par le bout de la seule lorgnette appartenant à leur spécialité.
Peu d’entre eux pensent en terme de santé publique et en une perspective statistique, encore moins à la lumière de logiques de type circulaire; or, les effets de la consommation d’un produit sur le système humain sont des plus complexes et subtiles car ils dépendent de nombreux facteurs articulés.
Dès lors, comment évaluer les effets du cannabis sur un sujet lorsque l’on sait que sa composition en ses nombreux « cannabinoïdes » est variable ( cf. tableau n°1 ), que le mode de consommation ( voie orale, fumée ou vaporisation) et la quantité de produit peut fluctuer dans des proportions importantes ( quelques joints « festifs » lors de soirées de WE à une conso quotidienne de plusieurs joints durant des années durant ), que nos susceptibilités psycho-patho-logiques sont aussi diverses que sont variables les conditions d’existence de chaque consommateur ?

Il n’existe plus aujourd’hui une voix responsable qui ose encore déclarer que la consommation de cannabis ne présente aucun risque, n’expose à aucun danger; après quoi, il est nécessaire de répondre aux questions suivantes : quels dommages peut-on imputer directement à la consommation de telle ou telle forme de cannabis, combien de consommateurs sont-ils concernés par ces dommages, quelle probabilité le consommateur a-t-il de présenter tel ou tel problème, et enfin, dans quelles conditions la consommation peut-elle devenir dommageable ?
Pour conduire une politique à la fois efficace et crédible, il faut répondre à toutes ces questions et, une fois les liens entre les consommations et les méfaits établis avec précision et nuance, il reste alors à déterminer les possibles mesures pour en diminuer l’occurence et l’ intensité, c’est à dire pour en promouvoir le « bon usage« .
Il n’est pas inutile de répéter, même si cela ne plaît pas à tout le monde, que la réduction des méfaits, en ce compris des méfaits du Cannabis, est une posture humble, réaliste et responsable qui se situe à l’opposé de l’incitation à la « débauche » de dépenses pour une guerre à la drogue ( = prohibition ), perdue depuis belle lurette, en terme de prévalence des consommateurs et de dangerosité des produits en circulation libre bien que clandestine car illégale, guerre qui ne soulage, hypocritement de surcroît, que la conscience de ceux qui ne veulent pas admettre la défaite.
C’est, me semble-t-il, la seule et pragmatique alternative au réflexe quasi reptilien qui consiste à s’écrier » puisque c’est dangereux, c’est à présent prouvé, y a qu’à l’interdire ou plutôt confirmer l’interdit ! « ; c’est le seul choix responsable pour contrer cette « foi radicale » en la tolérance zéro, laquelle foi est essentiellement conditionnée par la peur, le jugement morale et les illusions sécuritaires.
La comparaison » de la dangerosité » des différentes drogues d’usage pour fixer les propriétés en terme de prévention et de soin, pour apprécier la relativité de nos postures éthiques mais encore pour fonder une politique de santé publique responsable …
Le Professeur David NUTT s’est fait connaître au Royaume Unis pour ses positions tranchées et tranchantes sur les dangers relatifs des drogues d’usages et sur la légèreté avec laquelle les décideurs de son pays ne les prenaient jamais en compte dans les législations y afférentes. Rappelons – nous cependant qu’au détour des années 80 le Royaume Uni a, bel et bien et honni soit qui mal y pense, God save the Manhood, Robin, décrété que le « Sida était plus dangeruex que la drogue »; en conséquence de quoi les pratiques de traitement et/ou de délivrance contrôlée d’opiacés de substitution en ce compris d’héroine médicinal (DAM) ont été promues comme un des moyens de minimiser les risques infectieux liés à l’usage d’opiacés.
De nombreuses pratiques et comportements humains peuvent ( probabilité quand tu nous tiens ! ) induire des dommages socio-sanitaires; la conduite automobile en est le plus bel exemple; entre beaucoup de nécessité et un peu de plaisir parfois, cette pratique organise, à sa manière, une dépendance que démontre la propension d’aucun à utiliser son véhicule automoteur pour des trajets insignifiants.
Tout le monde est sensé savoir, personne ne peut l’ignorer, que chaque année quelques belles vies s’envolent sur nos routes : en 2015, on a dénombré 40.303 accidents de la route faisant au total 52.571 victimes, parmi lesquelles 732 personnes ont perdu la vie dans les 30 jours suivant l’accident. Le nombre de tués n’a plus diminué depuis 2013.( selon les statistiques du SPF Economie – )
En Europe, le décès, chaque année, par surdose ( généralement d’héroïne ), surviendrait à raison de 17 par million d’habitants ( soit 190 pour la Belgique ) et serait en diminution depuis 2009 (selon le rapport 2014 de l’OEDT .
C’est dire si le traitement de cette activité hautement dangereuse, non seulement pour les conducteurs et leurs passagers plus ou moins consentant, mais, encore, en terme de nuisance et de pollution publique (je ne me hasarderais même pas à chiffrer le dommage) est particulièrement complaisant par rapport à celui qui prévaut en matière de drogues.
Si ce ne sont les dommages sécuritaires essentiellement liés au régime de prohibition, il faut rappeler que les dommages liés aux consommations de drogues ne concernent le plus généralement que les usagers eux-mêmes.
Pour en revenir à la dangerosité comparée, David NUTT a établi 9 critères permettant selon lui de classer plus objectivement des méfaits de la consommation d’un produit. Ces critères sont repris dans le tableau ci-dessous :
Et le verdict est clarissime en ce qui concerne le Cannabis, clair mais sans le moindre angélisme; non la consommation du cannabis n’est pas sans risque; mais elle est moins nocive que bien d’autres puisque la palme revient à l’alcool et que le grand dernier ( à la limite de l’élimination en matière de dangerosité ) concerne les champignons hallucinogènes …
Pour rappel, le tabac est une drogue qui possède un très gros potentiel addictogène et qui en terme de santé est réputé particulièrement dangereux : les fumeurs de tabac ont 20 plus de chance de développer des cancers que les non-fumeurs alors que les fumeurs de cannabis ne sont que 2,6 x plus susceptibles de développer des psychoses chroniques, maladies qui se soignent de mieux en mieux et dont le pronostic vital est nettement meilleur que le cancer, juqu’à nouvel ordre, car il se pourrait qu’un jour, retour historique de la manivelle bégayante, l’on déclare à nouveau le délire illégal et l’on enferme les fous avec les délinquants, voire on les brûle en place publique comme les sorciers du temps jadis !!
Alors pourquoi deux poids sanitaires et deux mesures répressives ?
D’autant que la régulation de l’accès au Cannabis devrait réduitre encore les dommages auxquels nous assistons aujourd’hui du fait de l’absence de contrôle sur les qualités des cannabis disponibles ( en particulier en principe psychoticogènes ).
Les drogues sont parfois nocives; laissées entre des « neurones » irresponsables, elles peuvent devenir dangereuses, comme les bolides qui arpentent nos autoroutes pourtant bien balisés et malgré les ABS et autres rails sécuritaires ! Si un permis de consomer des drogues n’est pas vraiment envisageable ( un permis à joints ), la promotion du Bon Usage est une nécessité première dans le même temps que la responsabilité des décideurs est de mettre en oeuvre des mesures qui fonctionnent ( comme des règlement à l’accès et le contrôle des qualités des cannabis ) plutôt que de laisser les marchés entre les mains de vendeurs sans scrupule sanitaire et, ce qui se passe partout en ces régions atteinte d’ autruchite chronique, de tolérer cette guerrière illusion que produit le fanatisme sécuritaire !