Il aimait sa femme depuis plus de 60 ans, il aimait son fils unique qu’il se plaisait à qualifier de préféré, il adorait ses petits enfants, il en était fier pour ce qu’ils avaient réalisés, par principe et pour toujours, il avait peur pour eux, il leur faisait confiance, il était généreux, il se coupait en mille pour ses proches quitte à y laisser sa peau, il était rigoureux au-delà du raisonnable, il était de ces hommes qui supportent peu de ne pas contrôler les événements, lui qui avait si jeune subi la folie meurtrière des hommes, il était athée, laïc, mais discret, trop, sur ses intimes convictions, il était attaché à l’histoire de sa famille, du peuple juif, il était fier de la longévité de celui-ci, de sa ténacité et des lumières qu’il incarnait pour lui, bien plus que de sa religion et de ses communautés, il parlait et écrivait le yiddish mais pas l’hébreu, il admirait Isarël pour ce qu’il représentait mais était gêné, sans toujours oser le dire, pour ce qu’il commettait au nom de tous les Juifs, il était modeste et ne croyait qu’en les « professionnels », il était simple mais se compliquait la vie par crainte du conflit, du qu’en dira-t-on, crainte qui pouvait le rendre maladroit même avec ceux qu’il aimait le plus, il avait le petit doigt sur la couture du pantalon mais pouvait accepter que les autres portassent les jeans, il était sensible mais taisait ses sentiments les plus profonds.
Il était vivant, il était malicieux.
Nous nous aimions malgré nos différences, malgré les distances, lesquelles, manifestement, protégeaient notre attachement indéfectible l’un pour l’autre, nous nous sommes retrouvés, rapprochés, accrochés aussi, au chevet de sa Rose, son unique, sa précieuse, celle qui lui avait tout donné au temps où il était malade, celle qu’il avait rejointe, plus apaisé, à l’heure de leur pension, bien avant que sa raison à elle, petite maman, ne s’évanouisse dans la nuit, nous nous sommes resserrés au chevet de sa femme qu’il a fini par quitter, à bout de force, la précédant dans l’obscure éternité, comme un brave éclaireur ( שחור הנצח שֶׁל גשש ).
Farewell, little dad, salut, petit Papa, tu es mort le jour de la Saint-Valentin car tu étais un grand romantique, sans conteste; tu es mort pour elle, par devoir, par amour, par amour du devoir.
Je te remercie pour tout ce que tu m’as donné, la force de grandir, la force de marcher, d’avancer, d’affronter, d’apprendre, de donner, de remercier, tu m’as donné les fondations et la liberté de m’émanciper et de m’élever.
Salut petit Papa, Farewell,
Abraham, le pionnier,
Arthur, the King of the Quest …